Lorsqu’à 22 ans, je me suis retrouvée en fauteuil roulant, c’était loin de ce que j’avais en tête pour mon avenir. J’ai dû changer mes plans et voir ce que la vie avait à m’offrir dans ma nouvelle condition. Aujourd’hui, je regarde en arrière et je réalise combien de belles occasions la vie m’a offertes et comment j’ai su en profiter. Je suis fière d’où je suis rendue et je partage ici avec vous le parcours de ma vie.

MON ENFANCE

Toute petite, j’étais une vraie boule d’énergie. Quand je ne sautais pas partout à défoncer les ressorts du divan ou de mon lit, j’étais dans la peinture et les crayons de couleur jusqu’aux oreilles. En plus de déplacer de l’air, quand j’avais une idée dans la tête, je ne l’avais pas dans les pieds: je ne démordais pas tant que je n’obtenais pas ce que je voulais.

À quatre ans, ma mère m’a inscrite à des cours de gymnastique pour que j’y dépense mon trop-plein d’énergie. J’ai su donné du fil à retorde à mes premiers entraîneurs, car j’étais toujours grimpée où il ne fallait pas. Au fil des années, ce sport deviendra une vraie passion, puis un mode de vie pour mes trois dernières années du secondaire en sport-études. J’en ai même fait mon premier métier en devenant entraîneuse pendant quelques années.

LE SNOWBOARD

À l’adolescence, j’ai changé mes skis pour une planche à neige. Dans les premiers « parcs de snowboard », les skieurs n’étaient pas permis, alors j’ai réglé le problème et investi toutes mes économies dans ma première planche! À ce moment-là, j’ignorais à quel point ce sport allait changer ma vie!

À mon entrée au Cégep, j’ai abandonné la gymnastique pour m’investir à temps plein dans mes études en graphisme ainsi que dans la planche à neige. Rapidement, toute ma vie s’est mise à tourner autour de cette nouvelle passion: mon cercle d’amis, mes passe-temps, mes projets. Ce sport m’inspirait et me donnait un sentiment de liberté. Lorsque j’étais sur ma planche, j’oubliais tout le reste, je vivais le moment présent.

À travers les magazines et les vidéos que mes amis et moi écoutions pour nous inspirer, j’ai vite réalisé que la scène du snowboard se trouvait à Whistler, en Colombie-Britannique. J’ai donc décidé d’aller y passer un été pour voir ce que cet endroit avait à m’offrir. Je suis partie seule avec ma planche et mes rêves, sans vraiment parler anglais ni sans trop savoir dans quoi je m’embarquais. Finalement, ce fut un été inoubliable! J’ai trouvé un emploi comme femme de chambre, j’habitais dans un sous-sol avec trois autres mordus comme moi et j’ai pu faire de la planche à mon goût sur le glacier tout l’été, sans compter tous les amis que je me suis faits et tous les bons partys qu’on a eus!

À mon retour, j’ai compris qu’après mes études, je voulais vivre à Whistler, car une partie de moi était restée là-bas. Au Cégep, j’avais souvent la tête ailleurs et il était grand temps que j’obtienne mon diplôme! Pendant ce dernier hiver au Québec, j’ai fait plusieurs compétitions, j’ai décroché des commandites et j’ai même obtenu le bronze à mes premiers championnats canadiens en demi-lune.

Une fois mon diplôme en poche, je partais définitivement pour Whistler, avec mon copain Éric, que je venais tout juste de rencontrer. Je me rappellerai toujours ce moment sur la route entre Vancouver et Whistler et le sentiment que j’avais de rentrer à la maison.

Notre première année là-bas fut mémorable. J’ai découvert la joie de faire de la poudreuse dans le backcountry et je me faisais tranquillement un nom dans le milieu. De plus, j’ai décroché un contrat de graphisme avec le Telus World Ski and Snowboard Festival, contrat qui m’a permis d’explorer toutes les facettes de mon métier et de lancer ma carrière avec Metamorfic! J’avais tout pour être heureuse!

L’ACCIDENT

À la fin de ce merveilleux premier hiver à Whistler, je me suis rendue aux US Open, en espérant faire mieux que l’année précédente. Armée de toute ma détermination, j’y ai fait une de mes meilleures performances à vie, ce qui m’a valu une 2e place en pré-qualifications. J’avais enfin ma place avec les professionnelles le lendemain! Quelle joie de me retrouver là, le jour des qualifications, avec celles qui m’avaient inspirée dans les films et les magazines! C’était le plus beau jour de ma vie!

Malgré une chute dans ma première descente, je flottais littéralement sur mon nuage, et je savais que j’avais encore une chance. Je me suis donc lancée dans ma 2e descente avec confiance. J’avais l’impression de voler au-dessus de la foule et des photographes et savourais ce moment comme jamais! Tout allait bien jusqu’à ce que je chute à nouveau, mais cette fois, je ne pouvais plus me relever. Une douleur intense engourdissait tout mon tronc et je ne sentais plus le bas de mon corps. Lorsque le secouriste m’a demandé si je sentais mes pieds lorsqu’il les a pris, je savais que quelque chose de grave venait de m’arriver.

On m’a transportée d’urgence en hélicoptère, à l’hôpital d’Albany dans l’État de New York. J’y ai subi une opération de sept heures au cours de laquelle on a utilisé une partie de ma hanche pour souder mes vertèbres endommagées, soit la « D5 » qui était cassée et la « D6 » qui déviait de 1 cm par rapport à ma colonne. Le tout a été fixé au moyen de tiges de métal, qui supportent du même coup ma scoliose qui était déjà assez importante.

Après l’opération, l’annonce de ma paraplégie ne fut pas une surprise pour moi. Au moment de ma chute, je le savais. À partir de là, toute ma vie allait changer, mais une chose était certaine: comme je l’avais annoncé à mes parents, je retournais continuer ma vie à Whistler avec Éric.

RÉHABILITATION

Une semaine après mon opération, j’ai été transférée au Québec pour entreprendre ma réhabilitation. Je suis entrée au Centre avec l’idée d’y rester le moins longtemps possible. Au dire de certains, des patients avaient quitté l’endroit après 3 mois. Je me suis donc mis cet objectif en tête.

Me retrouver dans ce centre où la plupart des gens sont déprimés et que tout est régi par le système, ça me rendait complètement folle. Je n’ai pas l’habitude de rentrer dans un moule et je leur ai vite fait comprendre. Par chance, Éric était là tous les jours pour traverser cette épreuve avec moi et le soutien de ma famille et de mes amis me donnait une force supplémentaire.

L’athlète en moi a rapidement vu cette situation comme un nouveau défi à relever. À la surprise du personnel, j’avais déjà fait mon deuil et j’étais prête à aller de l’avant. Grâce à mon passé de gymnaste, j’ai vite appris à faire mes transferts. Après avoir marché sur les mains pendant tant d’années, c’était facile pour moi de me déplacer à l’aide de mes bras!

Je les ai chamboulés un peu dans leurs procédures, surtout le jour où je leur ai annoncé que mon billet d’avion pour Whistler était acheté et que j’avais une date de départ. Ils prévoyaient me garder sept mois étant donné l’ampleur de mon opération, mais après trois mois, j’étais dans l’avion pour Whistler. Mon contrat pour le Festival m’attendait et Éric était parti déménager nos affaires dans un nouvel appartement accessible pour moi.

RETOUR À WHISTLER

À mon arrivée à Whistler, j’ai vite senti le soutien de la communauté. Les gens du milieu de la planche à neige ont fait une collecte de fonds afin de me procurer un équipement de ski adapté et me permettre de retourner sur la montagne. De son côté, l’équipe du Festival avait installé mon poste de travail chez moi pour faciliter la transition. J’ai donc pu recommencer à travailler rapidement.

Je me suis vite remise à faire du sport. Le premier été, j’ai nagé et fait du vélo de route et de montagne adapté. À l’hiver, j’ai commencé le ski sur luge avec mon instructeur, Chris, qui deviendra un bon ami. Il me fera également faire mon premier saut de bungee à l’ouverture de son entreprise, Whistler Bungee! Une superbe expérience!

J’ai également fait plusieurs visites au Centre de réadaptation de Vancouver pour assurer le suivi de ma condition et me procurer mon premier fauteuil permanent. J’y ai appris à marcher avec des attelles et des béquilles canadiennes, une expérience qui me sert encore aujourd’hui.

Vancouver étant candidate pour les Jeux olympiques, on m’a demandé de participer à la campagne pour le BID de 2010. Nous avons donc tourné une publicité sur le glacier de Rainbow Mountain. À ma grande surprise, ils ont utilisé les photos du tournage pour faire une campagne imprimée. J’ai reçu des appels de plusieurs amis me disant qu’ils m’avaient vue dans un abri-bus à Québec ou sur le mur de l’aéroport de Vancouver. J’ai même reçu une photo d’un panneau d’affichage en plein centre-ville de Vancouver!

Mon copain et moi avons passé trois belles années supplémentaires dans ce petit coin de paradis, à profiter du plein air avec de bons amis. Mon entreprise, Metamorfic, a vite vu grandir sa clientèle grâce à mon contrat initial avec le Festival. J’ai vite été victime de mon succès, à en être débordée la plupart du temps, et n’avais donc jamais le temps de m’ennuyer!

RETOUR AU QUÉBEC

En 2004, le temps était venu de revenir près de nos familles et nos amis. Nous avons donc entrepris la traversée du Canada en voiture, un voyage au cours duquel on a bien ri malgré les longues heures de route tous les jours. Quelle joie de retrouver tous ces gens qui étaient si contents de nous voir revenir!

Nous nous sommes installés sur la rive nord de Québec et nous nous sommes tranquillement refait une vie ici. J’ai continué à développer mon entreprise et je me suis rapidement rebâti une clientèle au Québec. Éric s’est joint à moi en tant que programmeur Web, ce qui nous permet d’offrir encore plus de services à nos clients.

L’athlète en moi, et son besoin constant de bouger, m’a amenée à m’équiper tranquillement pour différents sports en plus du ski alpin. Du vélo de route au ski de fond, en passant par le wakeboard, j’ai essayé le surf et je me suis dernièrement mise au « paddleboard », que je pratique assise à l’aide d’une pagaie de kayak. Le parachutisme me passionne également pour l’adrénaline et la sensation de liberté qu’il m’apporte, et j’espère progresser davantage dans ce sport!

Depuis quelques années, je fais également de la photographie et de la peinture de façon professionnelle. J’offre maintenant mes services de photographe à ma clientèle de Metamorfic pour les projets accessibles à ma condition et mes toiles sont à vendre ici sur mon site. Je peux également prendre des commandes personnalisées.

J’ai aussi le souhait de faire des vidéos d’entraînement pour les gens en fauteuil roulant. Être en santé, c’est quelque chose de très important pour moi et je sais que ce n’est pas facile pour tout le monde, encore moins pour ceux et celles en fauteuil roulant. De pouvoir créer quelque chose d’accessible et de motivant pour ces personnes serait vraiment une belle réalisation!

À travers tous ces projets, je continue d’explorer tout ce que la vie peut m’offrir pour me dépasser!